Poésie_Atomique

2004
éc/artS

POÉSIE_ATOMIQUE
[Écriture & complexités contemporaines]
éc/artS, coll. essais, 148 p., 2004.

 

Notre période historique se caractérise notamment par le phénomène technologique majeur de l’interconnexion (extension du numérique + réseaux de télécommunication), qui induit transformations et redéfinitions de nombreuses dimensions hétérogènes de la socialité, et bouleverse d’une façon privilégiée les champs de l’écrit (archivage, stockage, circulation des documents, accès, condition de la lecture, "clôture" et homogénéité du texte, propriété intellectuelle…). A mon sens, le poète contemporain doit s’efforcer de dessiner de nouveaux champs de recherche, capables d’explorer la nature et la portée des mutations qui modifient de part en part nos rapports au langage. L’exigence suppose de distribuer l’activité selon une double strate, plus ou moins simultanée et entrelacée ; l’une fondée sur l’observation et l’analyse des nouvelles cartographies techniques, économiques, perceptives de l’écrit ; l’autre disposée à développer des dispositifs formels, susceptibles d’intégrer la portée des reconfigurations en cours.

Cet ouvrage constitue la trace visible de processus observationnels, analytiques, théoriques, développés depuis plusieurs années. Il se compose d’articles, d’entretiens, de prises de notes régulières, de textes de conférences (données en France, et bien plus fréquemment à l’étranger, en Europe, sur le continent nord et sud américain, en Asie, particulièrement au Japon). Ces recherches m’ont notamment conduit à mettre en place la revue éc/artS, conçue comme un outil exploratoire pluriel, prioritairement appelé à opérer une focalisation particulière sur l’incidence des technologies numériques sur les pratiques poétiques et artistiques. Elles m’ont encore encouragé à organiser un colloque à Montréal, dont l’objet consistait à explorer d’une façon transversale, la nature et l’ampleur et des soubresauts indissociables qui repositionnent nos rapports au texte.

Les corpus qui ici se font écho, exposent une série d’analyses qui visent à appréhender la complexité des interactions entre la langue et ses constituants techniques en évolution, et à dessiner des perspectives compositionnelles, aux objets, aux structurations, aux schémas d’organisation, reconfigurés. L’axiomatique majeure présuppose la nécessité de contextualiser la pratique poétique à un environnement technologique, culturel, anthropologique, considérablement élargi. Plus encore, ils affirment la dimension ramifiée de l’acte d’écriture, délibérément en lien avec quantité de données supposées exogènes. Peut-être est-il possible de nommer cette inscription méthodologique, comme relevant à la fois d’un souci esthétique, éthique, voire politique, la notion étant ici entendue, non comme une vague ambition d’interférer par le texte sur le champ social, mais de décomposer les multiples strates de notre environnement technico-culturel en vue de les tisser – obliquement – à la trame entrelacée qui compose un projet complexe d’écriture.