"L’intelligence artificielle est-elle un anti-humanisme ?" / GQ Magazine / 01/03/19
« Alors que l’intelligence artificielle est partout présentée comme la nouvelle frontière, peu de points de vue critiques émergent sur ce mot-valise de la start-up nation. C’est pour cette raison que les travaux du philosophe Éric Sadin sont précieux, marqués par une constance analytique qui s’affine de livre en livre.
Dans L’Intelligence artificielle ou l’Enjeu du siècle, le penseur décrit un âge de la technique – le nôtre - où celle-ci n’est plus un simple outil, mais une puissance ayant vocation à expertiser le réel. Par sa vitesse de calcul et ses processus d’apprentissage automatisé, l’IA disqualifie progressivement le jugement humain et y substitue un nouveau régime de vérité, instrumentalisé à des fins utilitaristes.
Pour Éric Sadin, la prétendue neutralité de la technique n’est en réalité que le Cheval de Troie d’un "antihumanisme radical", une hystérie de la perfection qu’il convient de combattre en lui préférant une forme de connaissance basée sur la part sensible et la diversité des êtres.
Avec des accents à la Lewis Mumford, Éric Sadin érige au final la créativité et le commun en antidotes à la "main invisible automatisée" et remet l’intelligence artificielle à sa juste place : celle d’un abus de langage. »
Nicolas Santolaria, "L’intelligence artificielle est-elle un anti-humanisme ?", GQ Magazine, mars 2019.